Victoire de Mathieu Van der Poel à l’Amstel Gold Race

Raymond Poulidor évoque son petit-fils Mathieu Van der Poel après sa victoire à l’Amstel Gold Race : « Il est terrible, extraordinaire ! »

Raymond Poulidor est fier de son petit-fils Mathieu Van der Poel. © Thomas JOUHANNAUD

Raymond Poulidor a suivi de chez lui, ce dimanche, la victoire de son petit-fils Mathieu Van der Poel à l’Amstel Gold Race. Heureux et fier, « Poupou » ne tarit pas d’éloges sur le jeune prodige hollandais.

Comment avez-vous vécu la victoire de votre petit-fils Mathieu ce dimanche sur l’Amstel Gold Race ? 

« Je crois que j’ai été plus crispé que lui ! J’ai suivi la course en direct à la télévision. Lorsque j’ai vu l’attaque de Mathieu, j’ai eu la même réaction que Laurent Jalabert qui était aux commentaires et qui a dit qu’il était fou. Je me suis dit  : « Mais c’est un fou ! ». Jalabert a tout de suite ajouté : « C’est un fou, mais quelle classe, quel panache, il est hors du commun ! « . Et puis Mathieu a insisté malgré le vent défavorable, il voulait revenir à l’avant. Il pensait qu’il allait être accompagné. Mais son attaque a été tellement violente que personne n’a pu le suivre. Quand Julian Alaphilippe a contré, Mathieu n’a pas pu suivre. Je me suis dit : « Bon, il a fait une erreur et la course est perdue pour lui ». Mais après il a très, très bien couru, intelligemment. Il s’est fait ignorer, il s’est désintéressé de la course, les autres ont pensé qu’il avait une faiblesse et qu’il devait récupérer. Tout le monde a alors participé à la poursuite et les écarts n’ont jamais été énormes. Et ensuite Mathieu a réalisé une fin de course… Tout le monde est sidéré ».

Est-ce qu’il vous a épaté ?

« Il m’a déjà épaté à de nombreuses reprises mais je crois que dimanche, cela a été le fin du fin… (sourires) ». 

« Il court très intelligemment et il court pour gagner »

Même si cela fait longtemps que l’on sait qu’il est doué, est-ce qu’il vous étonne ?

« Ah oui ! Mais il étonne tout le monde ! Il étonne déjà le papa. J’ai souvent son père au téléphone et il me dit :  » Je pensais qu’il était doué mais à ce stade-là, non… ». Car si on réfléchit, il passe du cyclo-cross avec une heure de course à cinq, six heures sur la route avec 260 ou 280 km sans problème ! Et puis, il termine dans un état de fraîcheur, une faculté de récupération énorme. C’est sa sixième victoire depuis le début de la saison. Je suis peut-être prétentieux en disant cela mais s’il était dans une très grosse équipe, on se poserait la question : est-ce qu’il n’aurait pas gagné toutes les courses sur route auxquelles il a participé depuis le début de l’année comme il l’a si bien fait en cyclo-cross ? ».

Que vous inspirent son style, sa façon de courir ? 

« Il court très intelligemment. Très, très intelligemment (il insiste). Et puis, il court pour gagner. La deuxième place ne l’intéresse pas. Dimanche, j’ai bien vu, il s’est fait ignorer sur les derniers kilomètres. Et ce qu’il a fait sur la fin, je me répète mais ça sort du lot ! Il est terrible, extraordinaire ! ». 

Quand vous le voyez courir aujourd’hui, est-ce que vous avez encore en mémoire quand, tout petit, il faisait chez vous dans votre allée la course avec son frère David et qu’il envoyait ce dernier dans les thuyas pour gagner… ?

« Oui, cela rappelle des souvenirs… (sourires). Ils avaient deux ans et demi d’écart et David était supérieur à Mathieu. Ils faisaient la course et le premier qui arrivait au portail, c’était David évidemment. Je vous assure que c’était pas drôle, hein…! Mathieu se roulait par terre, il ne voulait pas rentrer…! (rires). C’était un gagneur déjà ».

Vous dites : “Mathieu, il est plus fort que son père et que son grand-père !” Pourquoi ?

« Parce que son père a un palmarès extraordinaire, j’en ai un beau également mais ce que fait Mathieu à son âge, pfff… Je ne sais pas si un coureur l’a déjà réussi. Il est champion dans toutes les disciplines : champion de Hollande en VTT, sur route, en cyclo-cross, champion du monde en cyclo-cross, et ainsi de suite… C’est extraordinaire, cela ne s’est jamais vu. Et il n’a que 24 ans ! »

Et donc il est plus fort que le grand-père ?

« Ah il est plus fort que le grand-père et que le père aussi ! Et le père est d’accord ! (rires) ».

Jusqu’où il peut aller ? On ne sait pas de quoi il est capable

Même si vous ne souhaitez pas intervenir dans sa carrière, y-a-t-il néanmoins un conseil que vous lui donneriez ?

« On ne peut pas lui donner de conseil. Il n’accepte pas les conseils (sourires). C’est lui qui dirige sa carrière. D’ailleurs, le père le dit : « Je n’interviens pas du tout, c’est lui qui décide les courses qu’il va faire et il sait se préparer en fonction de ces courses ». Certainement, il a les qualités physiques pour. Je le vois courir, il est très souvent en danseuse. Et il respire une force extraordinaire. C’est un athlète fabuleux. Il mesure 1,85 m, lorsque je le vois torse nu, c’est quelque chose ! C’est un physique hors du commun ».

Jusqu’où le voyez-vous aller ?

« On ne sait pas. On ne sait pas de quoi il est capable. Quand on voit ce qu’il a fait dimanche, on ne sait pas ce qu’il est capable de faire. On a vu le déroulement du Tour des Flandres. S’il n’a pas ses pépins, je pense qu’il peut arriver seul. D’ailleurs, il avait prévu d’attaquer dans le dernier kilomètre. Il pouvait gagner le Tour des Flandres, vous vous rendez compte ! C’est quelque chose d’énorme ».

Il fait du cyclo-cross, du VTT et de la route. Est-ce que c’est un plus ou est-ce que vous pensez qu’il doit se spécialiser ?

« Se spécialiser, non je ne pense pas. Et puis, il est spécialisé dans tout ! VTT, cyclo-cross, route… Dernièrement, j’ai fait un repas avec Eddy Merckx et on en a parlé. Merckx m’a dit : « Ce n’est pas possible, il en fait trop ». Son père a réponse à cela. Il dit : « Non, il court moins que les autres. Il choisit ses courses et il en fait beaucoup moins que les jeunes de son âge. Seulement, toutes les courses qu’il fait il les gagne. Alors les gens disent : il en fait trop » ».

N’y a-t-il pas à ce jour deux interrogations, à savoir : comment Mathieu va récupérer sur une grande course par étapes et comment va-t-il passer la haute montagne ?

« Oui, bien sûr. D’ailleurs, lui même s’interroge. Il dit : « Je fais 75 kg, c’est un handicap, je suis trop lourd pour passer la grande montagne ». Mais vous savez, il suffit de regarder le passé. Miguel Indurain faisait à peu près son poids et il passait très bien la haute montagne. Alors Mathieu, avec le physique qu’il a, si un jour il se met dans la tête de passer la montagne, il la passera. Et à mon avis, sans problème. Toutefois, il a la mentalité des Hollandais, lesquels sont plus intéressés par une course d’un jour, les classiques et autres. Et quelquefois, il dit que sur les courses à étapes, il s’embête un peu… (sourires) ».

« Lui remettre le Maillot Jaune ? Ce serait énorme… »

Mathieu jouit déjà d’une popularité immense en Hollande mais aussi en Belgique. Et si le petit-fils dépassait le grand-père à ce niveau-là aussi ?

« Il l’a déjà atteinte, il l’a déjà atteinte ! Dimanche, sur l’Amstel Gold Race, cela a été quelque chose d’énorme. Et les Belges le considèrent comme un Belge ! »

Raymond Poulidor qui remet un jour le Maillot Jaune à son petit-fils sur le Tour de France, ce serait un beau symbole quand même…

« (Rires). Je ne sais pas. J’emploierais une expression en vous disant : « Si Dieu le veut… ». Il est encore pour deux ans dans son équipe actuelle, pour le cyclo-cross car il s’amuse dans cette discipline. Mais il a des demandes de partout et il va certainement signer un jour dans une très grande équipe. Au sein de celle-ci, il sera sûrement obligé de faire le Tour de France. Après, lui remettre le Maillot Jaune, il faudra que je sois toujours là. Mais oui, ce serait énorme… (sourires) ».

Recueilli par Xavier Georges

Laisser un commentaire

Fermer le menu